Un pas en avant, trois pas en arrière, ou le tango du mépris
[6 mai 2018]
Quelle curieuse danse que celle des syndicats de producteurs ! À quoi jouent-ils ?
Suite aux grèves des monteurs, monteurs son, bruiteurs et mixeurs des 10 et 19 avril, les syndicats UPC, SPI et API ont fait des propositions communes le 3 mai dernier.
Pour la première fois, ils se sont mis d’accord.
En gage de bonne volonté et d’écoute, ils ont annoncé faire face aux délocalisations en accordant aux monteurs son, bruiteurs et mixeurs le statut de cadre collaborateur de création. Cette revendication, qu’ils nous avaient présentée comme irréaliste, est donc réalisable.
Ce statut est important pour ces postes car il reconnaît leurs apports créatifs à la fabrication du film, il a un aspect d’ordre symbolique non négligeable. Néanmoins il ne coûte rien aux producteurs, pas un euro ! Mais plus grave, il n’est pas un réel rempart à la délocalisation. Certes, les cadres collaborateurs de création valent des points pour l’obtention du fonds de soutien versé aux producteurs par le CNC. Mais le total de leurs points reste inchangé (il est réparti entre 9 métiers au lieu de 6), et surtout les producteurs peuvent s’en passer puisqu’il suffit de réunir 80 points sur les 100 attribués selon certains critères artistiques et techniques pour avoir droit à la totalité du fonds de soutien. Ce « cadeau » ressemble fort à un leurre, ou à une belle carotte !
Les syndicats de producteurs se sont également mis d’accord sur des propositions salariales. Pour mémoire, les précédentes propositions de l’UPC comportaient 10 % d’augmentation environ pour tous les postes, mais sur 42 heures forfaitaires. Celles de l’API et du SPI étaient du même ordre mais sur 39 heures et ne concernaient que les chefs de poste. Au prétexte de prendre en compte nos demandes d’augmentation pour les postes d’assistants et au nom de « l’équité », les producteurs proposent une réévaluation de 5 % pour tous les métiers de l’après tournage, chefs et assistants, sur une base 39 heures.
Derrière le discours, la réalité est violente ! Nous avons sorti les calculettes, car ces propositions n’étaient ni chiffrées ni écrites, alors qu’ils se sont déclarés prêts à signer un accord sur le champ. Résultat de ces calculs :
- salaire chef monteur : 1 731,23 € (la précédente proposition API/SPI était de 1 800 €) soit une baisse de 68,77 € ;
- salaire assistant monteur : 1043,28 € soit une hausse de 49,48 € environ par rapport au salaire actuel, mais une baisse de 62,30 € par rapport à la proposition de l’UPC sur 42 heures (1 105,58 €).
Les autres chefs de poste sont encore plus maltraités par rapport aux précédentes propositions API/SPI :
- chef monteur son : 1 531,40 € soit une baisse de 117,72 € ;
- bruiteurs et mixeurs, 1 916,45 € soit une baisse d’environ 183,55 €.
Jamais au cours d’une négociation une organisation syndicale d’employeurs n’avait reculé sur ses propres propositions ! C’est un fait grave qui met en lumière leur sentiment de toute puissance.
Aucune réponse n’a été donnée sur les indemnités repas, ni sur la prise en compte des heures supplémentaires.
L’assemblée générale, réunie le soir du 3 mai, a exprimé son mécontentement et sa colère, devant ces circonvolutions qui ont été ressenties comme une marque de mépris à l’encontre de nos métiers.
Nous devons être nombreux le 23 mai à 14 heures devant le siège de la Direction générale du travail (39-45 quai André Citröen, 75015 Paris) où doit se tenir une commission mixte paritaire du cinéma, réunissant syndicats de producteurs et de salariés.
De nombreuses autres actions sont en préparation. Nous devons faire monter la pression jusqu’à l’obtention de véritables propositions.
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